A l’occasion de la journée mondiale du kangourou, la Fondation Brigitte Bardot a adressé un courrier à M. Le Ministre des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, Franck Riester, afin de l’alerter concernant les conditions de chasse des kangourous et demander l’interdiction de la vente des viandes et produits issus de la chasse au kangourou en France !
Monsieur le Ministre,
Le Parlement de Nouvelle-Galles du Sud a publié le 15 octobre dernier les résultats d’une enquête parlementaire approfondie sur “la santé et le bien-être des kangourous et autres macropodes en Nouvelle-Galles du Sud”, l’un des territoires australiens les plus actifs en termes de chasse commerciale au kangourou. Les résultats de cette enquête confirment les inquiétudes déjà soulevées au sujet de la chasse au kangourou, ainsi que la nécessité urgente d’interdire la mise sur le marché français des viandes et peaux provenant de cette chasse, pour des raisons notamment liées au respect du bien-être animal.
L’enquête récemment publiée fournit en effet de nombreuses preuves du traitement cruel que cette chasse inflige aux animaux : les kangourous sont abattus de nuit, dans des lieux reculés, sans aucune surveillance ou contrôle, ce qui implique une proportion importante de tirs manqués, causant des blessures terribles et livrant les animaux à une mort lente. Quand des femelles sont abattues, les petits sont souvent tués de façon cruelle et violente, ou demeurent simplement livrés à eux-mêmes, exposés à la famine ou à la prédation. Les gouvernements australien et de Nouvelle-Galles du Sud ont admis durant cette enquête n’avoir aucune donnée sur le nombre de petits ainsi tués chaque année par la chasse commerciale au kangourou, qui sont les victimes oubliées de ce commerce sanglant.
Certains extraits du rapport d’enquête, mentionnés ci-dessous, illustrent ces affirmations :
- « Le cycle de reproduction des kangourous implique que de nombreuses femelles abattues auront un petit dépendant à n’importe quel moment de l’année. Il est évident que la mise à mort de jeunes animaux par ailleurs en bonne santé est la réalité de l’industrie du kangourou » ;
- « Néanmoins, nous craignons que la méthode d’abattage prescrite – d’un seul coup de fusil dans la tête – ne soit parfois pas réalisable dans un scénario du monde réel, où les kangourous sont abattus dans le noir à distance. Le comité note des preuves que certains kangourous, même ceux tués par des chasseurs professionnels, ne sont pas abattus d’un coup létal dans la tête » ;
- « Il y a un manque de surveillance et de réglementation au point d’abattage dans la chasse commerciale et non commerciale des kangourous » (Aucune supervision n’est assurée sur le terrain pour vérifier que la mise à mort a été réalisée sans souffrance).
Il est à noter que la France était le 5ème importateur mondial de viande de kangourou pour la consommation humaine en 2016. Cela représentait 7% du volume d’exportation totale, l’équivalent de 167 000 tonnes de viande, ce qui équivaut à environ à 47 000 kangourous (Australian Bureau of Statistics, 2017). Même si la France ne semble plus importer directement cette viande d’Australie depuis 2019, le volume total importé dans l’UE, notamment par la Belgique, l’Allemagne et les Pays-Bas, a, lui, augmenté depuis 2016.
Or les conditions dans lesquelles la chasse au kangourou est pratiquée posent d’importants problèmes d’hygiène et représentent des risques pour la sécurité alimentaire des consommateurs européens. Comme le dénonçait notre Fondation en 2019, il existe des risques de contamination bactérienne de la viande, en raison du dépeçage des animaux sur le terrain et du transport de longue durée des carcasses, sans protection ni réfrigération. Des tests effectués dans plusieurs pays (Pays-Bas, Danemark, Russie) ont montré que la viande de kangourou est systématiquement contaminée par des bactéries pathogènes (E. coli et salmonelle).
Pour pallier ce problème, la viande est nettoyée avec de grandes quantités d’acide lactique et d’acide acétique dans le but de dissimuler toute trace de contamination. Un procédé, pourtant interdit dans l’Union européenne par le Règlement (UE) No 601/2014, et qui n’est pas sans risque pour la santé humaine.
En 2019, la Fondation Brigitte Bardot a réalisé des analyses sur des échantillons de viande de kangourou vendue dans les grandes surfaces françaises, révélant un taux de concentration en acide lactique de 600 à 800 mg/100g. A titre de comparaison, l’avis scientifique de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) du 7 juillet 2011 indiquait que « la quantité d’acide lactique qui peut être absorbée dans la viande de bœuf à la suite d’un traitement à l’acide lactique peut être estimée entre 50 et 190 mg/kg », un taux acceptable ne représentant pas de danger particulier pour la sécurité alimentaire.
En termes de conservation, l’enquête parlementaire a révélé que les méthodes de comptage des kangourous mises en œuvre par le gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud n’étaient pas transparentes et que les estimations de population permettant de déterminer le quota annuel d’abattage commercial étaient probablement surestimées. Les facteurs de correction utilisés par le gouvernement australien augmentent chaque année et les données utilisées semblent peu probables compte tenu du faible taux de reproduction des kangourous ainsi que d’autres facteurs environnementaux, tels que la sécheresse, les incendies et la perte d’habitat.
Les résultats de l’enquête parlementaire ont par ailleurs abordé l’impact de la chasse de kangourou sur les populations indigènes australiennes en ces termes :
- “Le projet de plan de gestion de la récolte des kangourous commerciaux de la Nouvelle-Galles du Sud pour 2022-2026 fait référence à la prise en compte des intérêts des communautés autochtones, mais le ministère de la Planification, de l’Industrie et de l’Environnement n’a pas été en mesure de démontrer comment les préoccupations des autochtones concernant le bien-être et l’importance spirituelle des kangourous sont prises en compte.”
- ”La chasse aux kangourous a un impact profond sur la santé mentale de certains autochtones, des soigneurs de kangourous et des sauveteurs.”
Ce rapport d’enquête ne laisse aucun doute quant à la nécessité de prendre des mesures strictes pour entraver ce commerce macabre de viande et de peau de kangourous.
La Fondation Brigitte Bardot appelle la France à agir promptement et à bannir dans les plus brefs délais la mise sur le marché de produits dérivés de la chasse aux kangourous.
Dans l’attente, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.