Les chiens reconnaissent les personnes qui les entourent grâce à leur odeur ou à leur voix, mais ils ont également de grandes capacités de reconnaissance faciale. Regarder nos visages leur permet de reconnaître les personnes connues et de les différencier des inconnus. Ils y lisent aussi nos émotions, peur, colère, tristesse ou joie, et adaptent leur comportement à notre état émotionnel.
Bientôt, nous serons très certainement obligés de porter un masque pour nos déplacements quotidiens. Les chiens, dans les parcs, dans les rues, ainsi que les chiots qui sortent des élevages, vont devoir s’adapter à cette situation nouvelle qui va rendre la communication bien moins lisible. Comment pouvons-nous les y aider ?
Cette période de crise sanitaire impacte gravement nos vies et celles de nos animaux.
Ni nous, ni nos enfants, ni nos chiens ne sommes habitués au port du masque, aux termes « distanciation sociale » et « gestes barrière ». Pour les espèces sociales, la communication est nécessaire à la survie et tout ce qui entrave cette communication est perturbant, voire choquant.
Les jeunes enfants et nos chiens vont devoir apprendre à lire des intentions et des émotions sur des visages coupés d’une partie des expressions, où seul le regard subsistera. Cela nécessitera de leur part un apprentissage fondé sur l’intelligence adaptative et les capacités cognitives, mais en aucun cas par du conditionnement (assis, couché, debout, pas bouger, au pied…), ni par de l’obéissance.
Nous pouvons les préparer à ce changement dans notre mode de vie
J’encourage les éleveurs à porter un masque dans leur élevage, pour familiariser les chiots à des visages avec un masque. La présence de la mère et de la fratrie apporte sécurité et curiosité si les conditions proposées sont optimales, ce qui facilitera l’adaptation des chiots.
De la même manière, j’invite les propriétaires à commencer à porter un masque à la maison pour habituer leur chien à les comprendre et à les lire. Ainsi, lors des balades, le chien comprendra plus facilement les demandes. Pensez également à utiliser des masques variés, diverses formes, diverses couleurs, pour que le chien ne s’interroge pas sur la créativité qu’il rencontrera nécessairement en balade.
Cependant, il sera nécessaire aussi aux propriétaires d’adapter leur comportement pour que le chien puisse s’arranger dans ces nouveaux échanges. Pendant nos balades, nous devrons respecter une distance minimale d’un mètre entre nous, mais nos chiens auront peut-être besoin que nous les laissions aller vers les gens pour identifier, décoder, se rassurer et donc mieux s’informer.
Les chiens de recherches qui sauvent tant de vies, les chiens apportant leur aide devront également côtoyer de nouveaux visages masqués, il est donc essentiel de laisser nos chiens aller à la rencontre de ces nouveautés.
Notre société demande à nos chiens une familiarisation irréprochable, pour cela, elle doit leur laisser la possibilité d’interagir ! Ce partage qui aurait dû toujours exister est interdit par la société, de courtes laisses, à des espèces sociales enclines à la curiosité. Le moment est peut-être opportun pour changer cette mauvaise façon de familiariser les chiens.
Chaque chien est différent, chacun fera face à sa manière à cette nouveauté de communication. Apprenons à penser à eux dans les changements que nous mettons en place. Ils peuvent être réellement incompris par certains individus, voire vécus comme des agressions. Depuis des milliers d’années, le chien nous regarde et nous observe pour mieux nous comprendre et nous faire plaisir.
Aujourd’hui, nous lui imposons une communication coupée par un masque. Aidons-le à s’adapter. “Apprendre à communiquer pour mieux l’aimer”, mon slogan, prend tout son sens dans cette nouvelle situation, car nous allons encore demander à notre chien de développer de nouvelles compétences socio-cognitives.
Sandrine Nataf-Otsmane
Comportementaliste Certifiée chien et chat
Crédit photo : Sandrine Nataf-Otsmane, Freepik/Prostooleh, Freepik/zanalishina.